la ca sserole rempl ie au deu x-t iers
eau sa lée et froide sur la grande plaque
feu au ma x
tapis de poiv re noir et vert concassé
les poids sur le téf lon
ma rque la constel lat ion nost a lgie
tombe amoureu x
pa rs
la demie ba rquet te de la rdon fumé
dans la poêle froide
per turbe le paysage de mon enfance
sans comprendre
quelque temps plus ta rd
la plaque à feu moyen-for t
le chant crépité de la gra isse de la rd
qu i fond
et bul le cont re la viande
el le dore
écr is l’er reur
pleure la sépa rat ion
doute
une feui l le de laur ier plane
s’y pose
l it de vin rouge coulé depuis le ba l lon
la viande bordeau x
la gra isse brune
t ig re d’hui le d’ol ive
confonds dans la poêle
l ’a i l coupé
a l légé du germe
à demeure sur la planche
l is à rebours pour la première fois
une écha lote ou deux
découpé en da l le ca r rée
comme çà
peau ga rance pat iente
déla issé
même plus sur la planche
de découpe en bois
l ’humeur du pr intemps à l’automne
noyé d’hui le
êt re amoureu x
v is l ’aut re
dans le si lence d’un lundi d’hiver
chante les bul les de gra isse
sur vei l le la brûlure des aul x
absent chant du merle de ma rs
pluie de thym
év ite du mieux la chute
de ter re
et de branche
dans le poème
joue nonagon inf inity de king gizza rd
rosée de poiv re
t ranspa rence rose écha lote
l is adr iana
nuage d’a lcool
vapeur équivoque
le bec de la boite de tomacoul is
t ranche au couteau
la purée déversée au coeur du problème
une cui l lère à peine
tomate concent rée
la rme de ketchup
branche de roma r in
à la surface du ma récage
lac de tomate dispersé
du dos de la ma in
derme de bois
at tends un enfant
le cycle de l’eau
presque complet dans ma cuisine
inter romps un temps l’ébul l it ion
embra sse l’aut re
col le à sa vapeur
ca resse de l’ha leine les aspér ités du corps
jouis avec pour clore le cercle
présente les pâtes à l ’eau à nouveau boui l lante
feu sur peu de pét i l lement s
espère que le psg
termine une amit ié
agite jusqu’à y voir cla i r
nosferatu le long du si lence
l is dans la bul le
qui appa ra it et éclate
à la surface de la méla sse
le noeud du cinéma sov iét ique
quelque tranche de beur re
au fond du plat en bol
jet te du g ros sel et du poiv re encore
cu i l lère percée
les pâtes ex t ra ites
eau blanche de mon amour
corps fondu de beur re
a r rose de l’amidonné
poème coulé depuis la poêle
dans le plat en bol
les yeux de son sour i re
a r rose à nouveau
mélange à la peau des doigt s
cheveux blancs du soleil de son sommei l
son rega rd
at tends l’orage
les gout tes nour r issent
quat tuor pa ssi f lore
pa r tage à la lumière d’une bougie
la sensibi l ité du jour
pâte à la tomate
////
Hier, un ami lisait ma peinture comme celle d'un préservatif usagé, plein, laissé à l'abandon. Selon lui alors, le coït aurait eu lieu. Les bourses seraient vides.La vérité est autre : si la capote est gisante, elle est aussi vide. Je n'ai pas joui : je n'en ai plus la force. Je suis l'enfant d'une technologie coercitive, où le rapport sexuel n'est pas tourné vers l'autre mais vers soit, une génération à qui on a appris à jouir sous la contrainte. Et à s'y tenir. Protégé par ma capote, je m'interdis le bonheur de la friction des fluides, la poisse des sueurs agglomérées, à en oublier l'échange sensible : bientôt je ne reproduis avec mon corps qu'un ersatz pauvre du cliché amoureux par le va-et-vient de mon appendice tuméfié : je ne peux jouir qu'à la grâce de l'image que j'ai de moi en train de faire l'amour. Je me regarde être seul. Et je m'y épuise. Je remplis parfaitement, non l'espace réservé à la jouissance – cette bulle au bout qui demeure invariablement vide – mais plutôt le rôle auquel j'ai été assigné : j'ai suivi le flux jusqu'à me convaincre que l'amour se faisait comme çà, que l'amour doit être prudence, sans excitation, sans galipettes, sans swing, sans enjeu, sans futur. Que je serais avisé d'adapter cette juste façon de procéder à la gestion de ma vie dans son intégralité. Se regarder vivre mollement et accepter la compression. Absolument engourdi. Je fais l'amour bêtement, et bêtement je vois passer devant des manœuvres politiques : jamais je ne réagirai face au désastre. Pour une génération de couilles molles, de lèvres et d'anus rougis, qui n'osera pas se soulever face à une politique en marche, écrasante et répressive, d'une semaine à l'autre avec plus d'effort, qui blesse au minimum à en perdre la vue, qui tue sans reproche, qui orchestre la tournure au ridicule des vêtus de jaune – ceux-là même et ce sont les derniers, qui entretiennent un rapport à l'autre et à la rue, qui assurent du bout des doigts le lien au rationnel. Une génération qu'on a déconnecté en lui insensibilisant le gland. La capote est vide, de même que notre courage à fendre l'opercule. À l'abandon.
Le jeudi 1 août 2019, à Paris.