“Cette pluie confond nos larmes” (2025)
Exposition personnelle à la galerie Julie Caredda, 3 – 27 septembre 2025
Peinture à l’aquarelle sur papier
Textes de Laure Saffroy-Lepesqueur
« Les larmes crevèrent.
En lui s’élargissait un grand lac de solitude et de silence sur lequel courait le chant triste de la délivrance. [1]»
Albert Camus, La mort heureuse
« Il y a quelqu’un dans le vent [2]» et de ce quelqu’un, les artistes font des formes et des images. Invisible, il sculpte et prémâche leur travail, il donne le ton en faisant se mouvoir les drapés, les tissus, en faisant couler et tomber les larmes, en faisant choir les ailes des statues. Il pousse le geste jusqu’à la beauté que l’humain voudra figer de ses mains, en arrêtant le temps, en créant la nostalgie. Il nous destine à pleurer ce qui aurait pu demeurer immuable comme le marbre, l’harmonie ou la victoire ; il fait naître la mélancolie.
C’est de ce mot dont les œuvres de l’exposition si joliment titrée Cette pluie confond nos larmes sont remplies. Comme un liquide mélangé de pluie, de sang, de sueur, de larmes et de couleurs. Une matière bien spéciale dont s’est servi Louis Verret pour dessiner et peindre ces figures que rien ne semble réunir, mais que tout lie dans son esprit narratif et sincère. Dans sa lucidité poétique et grâce à des figures d’anges, de joueurs, d’adorateurs et d’astres brillants, il a matérialisé le lien qui demeure éternel entre tous les fidèles abonnés à la déception, à la confusion, ainsi livrés au hasard.
Dans un stade, sur un champ de bataille, dans son art ou dans sa vie, on joue, de la batterie ou au football, on croit jouer avant de mourir, on prend le jeu au sérieux, on meurt d’avoir trop joué. Et dans tout ce théâtre demeurent les larmes, pour lesquelles on paye, on revient, que l’on demande à vivre et à revivre sans cesse. Comme une litanie, comme un rythme cardiaque, un tambour bat la mesure de nos désenchantements que l’on convoque encore. Mais qu’est-ce qui unit, au fond, des figures aussi contrastées qu’une pleine Lune et des sculptures accidentées, ébranlées ? Cette constellation de portraits liés les uns aux autres par un fil invisible semble faite de ce vent qui ne ramène jamais Ulysse chez lui avant d’avoir fait le tour de toutes les caves à sanglots de la région et d’en avoir dégusté tous les grands crus.
Il y a en effet dans cette exposition et dans le travail de Louis Verret une notion de collection d’images ; comme Aby Warburg a pu confectionner son Atlas Mnémosyne[3], l’artiste emmagasine un certain nombre de représentations pour faire naître une mythologie personnelle et ainsi, se traduire au monde, émotionnellement, puis visuellement. C’est là l’importance d’un répertoire intime d’images attachées ensemble par un même sentiment : se créer une banque de références, de symboles et de reflets[4].
Aussi, chez lui, des figures d’apparence opposées par la description ou la temporalité pourront converser à loisir et parler d’une chose identique. Toutes parlent ici du même vent, celui qui éloigne d’un présent, d’un but ou d’une vérité. De par sa technique d’aquarelliste, il les rend aqueuses et donc soumises à la fuite, comme un songe ou un souvenir. Les taches de couleurs qu’il créée sont confuses et n’osent pas dire tout de suite qui elles sont ; on les confond parfois avec de gais confettis, qui finiraient par rire d’avoir trop pleuré. Mais « La beauté du monde qui disparaîtra bientôt a deux extrémités : celle du rire et celle de l’angoisse, coupant le cœur en deux. [5]» Ainsi les pleurs communs ne peuvent pas fonctionner sans cirque, sans une mise en scène cathartique de nos regrets et l’on invente des carnavals, des fêtes ou des cycles sans régularité qui se font les marées de nos émotions les plus vives.
La récente victoire du Paris Saint-Germain en Ligue des Champions nous a très justement montré comme les hommes les plus discrets peuvent se révéler bien moins timides dans un stade où ils hurlent, ivres de joie ou de tristesse, leur fureur. En dehors, elle nous a aussi montré ce qu’un simulacre de guerre peut déclencher chez de faux amateurs qui, ne s’intéressant pas même à la notion de jeu, en bafouent les règles et revêtent des masques monstrueux. Comme avec l’impérial besoin de vivre un drame antique qu’on ne voit plus qu’à la télévision, mais qui existe pourtant encore bien à nos portes voisines, l’on croit pouvoir provoquer le destin et faire frémir les dieux. On ne fait que se rire de la mort que l’on craint plus que tout : « ce rire est ambivalent : il est joyeux, débordant d’allégresse, mais en même temps il est railleur, sarcastique, il nie et affirme à la fois, ensevelit et ressuscite à la fois [6]» Mais, voilà peut-être ce que « deviennent toutes les larmes qu’on ne verse pas [7]», comme l’écrit Jules Renard.
En marge d’une de ses lectures, Louis Verret écrit « Pleurer ensemble, couler ensemble. Flotter aussi et s’effacer pour réapparaître partout. » sans deviner peut-être qu’il s’agit là d’une jolie définition de son art : ce sont des taches de couleurs nées de certaines émotions éternelles et survivantes qui sont armées de la lourdeur de l’eau dans le pinceau et qui tombent comme une pluie. Elles se fondent dans des formes qui ne veulent rien dire de près, pour enfin tout dire avec recul. Elles parlent un langage aussi universel qu’intérieur. Elles savent toucher les cœurs de pierre, et ceux qui préfèrent aux larmes les subterfuges.
Laure Saffroy-Lepesqueur
[1] Albert Camus, La mort heureuse, 1938
[2] Eugène Guillevic dans Terraqué (1942), trouvé chez Gaston Bachelard, L’air et les songes, 1943.
[3] Corpus d’images, créé entre 1921 et 1929, par l’historien d’art.
[4] Comme le décrit très subtilement Charles Baudelaire dans le poème « Tristesse de la Lune » : « Un poète pieux, ennemi du sommeil, / Dans le creux de sa main prend cette larme pâle, / Aux reflets irisés comme un fragment d’opale, / Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil. » in Les Fleurs du Mal, 1857.
[5] Virginia Woolf, Une chambre à soi, 1929
[6] Mikhaïl Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, 1970.
[7] Jules Renard, Journal, 1887-1910.
Critique de l’exposition Cette pluie confond nos larmes
Intitulée “Cette pluie confond nos larmes”, elle ne fait pas que représenter habilement et subtilement l‘univers du football, elle traduit surtout de façon particulièrement émouvante toute la palette des sensations qui parcourent les joueurs comme le chœur des supporters, entre cris et larmes, exaltations et abattements.
Autrement dit : quand l’atmosphérique – l’air, la pluie, la boue – se conjugue aux corps et aux émotions en actions – les gestes, les souffles, les sueurs/les chants, les cris, les larmes –, ainsi qu’aux matériaux de la représentation – l’eau de l’aquarelle, ses couleurs, le blanc du papier…
Le tout soutenu, symboliquement, par le rythme chaloupé de la batterie de Meg White, batteuse et chanteuse du groupe White Stripes et son indépassable hymne “Seven Nation Army”.
À cette agrégation/désagrégation du temps et de l’espace, des joueurs et des spectateurs, des joies et des déceptions correspond également des reproductions de dieux et de déesses antiques, dont “Tyché” tout à la fois divinité du hasard, de la chance, de la fortune, mais qui dispense également bonheur ou malheur à la cité.
Aussi, l’artiste ne cesse-t-il de nous demander : qu’attendez-vous d’un match, des joueurs, du club, de la ville à laquelle il est attaché : un spectacle ?, la beauté du jeu ?, des buts ?, une victoire ?, une défaite ?… Et surtout : à qui voulez-vous donner votre soutien ?… ; à qui voulez-vous donner une chance ?, sa chance ?… ou au contraire la reprendre… ; qui voulez-vous rendre riche et prospère ?… ; et surtout à qui voulez-vous confier le destin de votre vie ?!…
Autant de questions qui traversent – presque transpirent – une œuvre unique sur la scène de l’art contemporain aujourd’hui. À ne pas manquer !
Marc Donnadieu, commissaire d’exposition et critique
L’Atlas, joueur (2024)
Exposition à la galerie Les filles du calvaire, 19 juin – 20 juillet 2024
Peinture à l’aquarelle sur papier
Textes de Marc Donnadieu
Au nom du football : “L’Atlas, joueur”
De quoi est-il aujourd’hui le nom, sinon le genre ? Entre celui que vivent les joueurs sur le terrain, les supporteurs réunis dans les tribunes, les téléspectateurs assis au creux de leur canapé et les digital natives rivés à leur écran, est-ce vraiment du même football dont il s’agit ? Un sport collectif ? Une marchandisation des corps ? Un mode d’existence communautaire et indiscipliné ? Un temps de cerveaux disponibles1 ? Un flux d’images interchangeables ? Ou autre chose encore ?…
Sous l’intitulé « L’Atlas, joueur », l’artiste Louis Verret, dont-on a pu voir récemment les œuvres à Poush, ne tente pas d’y répondre, mais nous fait tout du même entrevoir la matière première sur lesquelles ces interrogations se fondent, sinon les rapports à l’image qui en découlent. Aussi le médium de l’aquarelle, précisément choisi par l’artiste comme mode préférentiel de représentation, fait-il ici écho à cette dépense physique des corps durant un match, à cette atmosphère qui les nimbent en permanence et qui se mêle aux clameurs qui fusent dans l’enceinte du stade, à ces émotions et ces cris qui traversent et bouleversent les joueurs tout autant que les supporteurs à chaque action décisive. Autrement dit, en suivant la célèbre déclaration de Winston Churchill2 , ce labeur, ce sang, ces larmes et cette sueur qu’absorbe à chaque occurrence la feuille de papier. Il ne s’agit donc pas ici de la façon dont le sport peut « faire image », mais des manières infiniment plurielles dont ces images se génèrent, impriment notre mémoire et deviennent plus tard des reliques sinon des objets de culte. Il y a ainsi dans la production de Louis Verret quelque chose tout à la fois d’un album « Panini » revisité et d’un mur d’ex-voto consacré aux footballeurs qui ont marqués chacune de nos vies. Ce que renforce leur « mise en vitrine » à l’occasion de ce projet singulier.
Parallèlement, si la multiplicité des points de vue déployés par les œuvres présentées évoque cette notion d’“atlas” à laquelle l’intitulé de l’exposition réfère, qu’en est-il de ce “joueur” convoqué, lui, au singulier ? Sans doute l’artiste en premier lieu, qui se joue des footballeurs sur le terrain comme il se joue de nous, spectateurs captifs, devant son installation après l’avoir été devant nos écrans. Quoique de façon différente et selon un léger décalage. Car des images que le football se donne de lui-même, Louis Verret n’en garde ni les plus remarquables ni les plus spectaculaires. Ce qui fait sens ou réalité pour lui semble plutôt l’insensé ou l’inconscient du football et des footballeurs : ses langues individuelles, ses incontrôlés corporels, ses lapsus comportementaux, ses débordements spontanés, voire ses affirmations ou ses provocations face à des interdits explicites ou implicites, à l’instar de l’enlèvement du maillot et son brandissement à bout de bras entre imploration et sacrificialité. Ce qu’exprime dès lors des rituels comportementaux ou des codes vestimentaires secrets et quasi clandestins entre joueurs ou entre joueurs et supporteurs, des gestes de superstitions ou de prières excessifs, des attitudes quasi intimes et presque impudiques, sans oublier des « poses » presque religieuses, de formes inédites de pietà en postures inattendues de Saint-Sébastien.
Très curieusement le néologisme couramment utilisé de « digital » au lieu et place de « numérique » réfère à une physicalité et un « doigté » qui s’opposent au contexte de départ – le monde contemporain des images – tout en le ré-enrichissant de cette corporéité qu’il avait perdu du fait de sa technologisation. Ce qui nous fait ici face, ce n’est pas seulement un choix très minutieux et circonstancié3 d’arrêts sur image que Louis Verret a opéré au cœur de ce flux continu de retransmissions sportives qui s’enchainent presque sans discontinuité au fil des chaines de télévisions dédiées. Ce sont bien plutôt des faits, des moments, des espaces qui excèdent ce qu’ils sont censés représenter. Et les tâches d’aquarelle de rééditer les pixels de l’image numérique dans le champ du réel et non plus dans celui de sa reproductibilité infinie et de sa spectacularisation permanente. De même, les traits de crayons laissés visibles, les blancs entre les tâches et les multiples bavures de ces dernières de venir « substantifier » ce qui échappe ou déborde des faits représentés, et de faire vibrer cette vie et cette intensité qu’ils contiennent en eux- mêmes et par eux-mêmes, entre éblouissement pur et défaillance inéluctable. Et si cet « Atlas » du titre incarnait bien plutôt cette figure mythologique qui porte sur ses épaules la voûte céleste pour l’éternité afin que nos étoiles puissent briller au firmament nos cieux ? Beau joueur !…
— Marc Donnadieu, commissaire d’exposition et critique d’art
1 « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective “business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Patrick Le Lay, in « Les dirigeants face au changement », Paris Éditions du Huitième jour, 2004.
2 « I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat », Winston Churchill au cours de son premier discours prononcé à la Chambre des Communes le 13 mai 1940, comme suite à sa nomination au poste de Premier ministre du Royaume-Uni durant le conflit de la Seconde Guerre mondiale.
L’Atlas, joueur (2024)
L’exposition L’Atlas, joueur présente une série d’aquarelles sur papier extraites d’un corpus intitulé Les fruits de la passion, à travers lequel je questionne la relation entre le spectacle du football et une histoire politique de l’image.
J’exposerai à la galerie des Filles du Calvaire plusieurs dizaines de portraits et de figures en pied de joueurs de football. D’une popularité planétaire, abondamment médiatisé, le joueur de football est un véhicule inépuisable d’émotions inépuisables. C’est, plusieurs fois par mois et jusqu’à plusieurs fois par semaine, le même décor qui se met en place : un terrain éclairé dans la nuit et une attente. Que va-t-il se passer ? Que ce soit devant la télévision ou dans les tribunes du stade, seul ou entre amis, j’espère moins de la performance sportive que du spectacle. Et la tragédie opère, infatigable, sans arrêt renouvelée dans son scénario. Elle convoque la tradition. L’impossible. L’immémoriel.
Alors dans ma peinture le joueur est hors du jeu même : il est statique, en célébration, furieux, refusant de poursuivre la partie, consterné, mélancolique, abandonné. Dans un temps de représentation qui n’est plus sportif mais théâtral. Le traitement à l’aquarelle, par son aspect aqueux (elle est faite de sueur, de larme, de bave, de pluie, d’eau, de boue) amplifie le mouvement d’expression d’émotion du joueur, témoigne d’un débordement (passé ou à venir). Au seuil de la crête émotive, il ne se livre pas encore.
Le ballon, longuement maintenu à l’écart de ce corpus, fait son entrée pour l’occasion dans mes images, en tant qu’élément subversif et métaphorique. Il est porté par le joueur, cajolé, embrassé, en lévitation. Lui non plus n’est pas en jeu, mais bien sujet d’un jeu. Il pèse, concentre, attire et bientôt engage un dialogue symboliste. Les formes circulaires éparpillées dans l’accrochage, comme une constellation à identifier, témoignent d’une situation qui dépasse le cadre du football. Avez-vous remarqué que les ballons utilisés au cours des matchs de Ligue de Champions, étaient parés d’étoiles ? Avez-vous compris pourquoi ?
C’est avec l’accrochage de l’exposition en atlas, et par procédé de bon voisinage, qu’une lecture se dessine. Les formats varient et les peintures, serrées les unes contre les autres, y rebondissent et jouent entre elles, par teintes, par expressions sur les figures, par situations historiques contradictoires. Des images-passerelles fluides qui abolissent la logique chronologique : si nous sommes à tant de moments en simultanée, c’est que nous nous trouvons dans la frise large de l’histoire de l’art et de la représentation des émotions : des Pathosformeln d’Aby Warburg. A l’instar du filigrane de son Mnémosyne, mon atlas d’images joue des espaces laissés libres entre les illustrations, souligne les “liens manquants”, ces image-clés absentes de l’accrochage, rompant la narration linéaire, stimulant une lecture sensible, intuitive, poétique. Politique.
Il faut peu d’effort pour conférer au ballon le poids du monde. Je lui ai, plus d’une fois dans l’enfance, promis ma vie en cas de but marqué. Atlas avant nous héritait de ce fardeau pour en avoir trop demandé. La voûte céleste pesant sur ses épaules mythologiques, il deviendra protecteur des étoiles et des puissances astrologiques.
N’en est-il pas de même pour le joueur ? N’attendons-nous pas de lui de demander trop ? Marco Verratti n’est-il pas dans notre mémoire pour ses contestations plutôt que pour son talent de récupérateur ? Neymar Jr. ne nous a-t-il pas plus ému par son corps tordu au sol – pour une douleur toujours suspecte – que par ses dribbles ? Le tireur de penalty ne transfère-t-il pas le poids du mondovision au ballon lorsqu’il l’embrasse avant de tirer ? Tel Atlas, le joueur n’est-il pas destiné à exploiter les brèches, à casser les lignes, à contester les règles et les attentes au point de les faire modifier ? Pour les rejeter ensuite, toujours ?
Alors, jouons !
— Louis Verret
Troisième quart de finale (2024)
Installation in situ (aquarelle sur papier, impression textile, pièce sonore, projection vidéo) et performances (Jérome Grivel, Madimmi, Léo Dussolier, Medhi Besnainou, Jack Rothert Garcia)
Troisième quart de finale est un happening qui s’est tenu à la galerie Les filles du calvaire à l’occasion du troisième match des quarts de finale comptant pour l’Euro 2024 de football, une rencontre opposant l’Angleterre à la Suisse. Le rez-de-chaussée de la galerie, investi par une installation in situ, accueille des performances (poésie sonore et musique concrète avec Jérome Grivel, Léo Dussolier et Jack Rothert Garcia), concert d’improvisation ou de variété (avec Mehdi Besnainou et Madimmi) et proposition culinaire (Lift Crawl de Hugo Avigo) pour compléter (ou altérer) la projection de ce match à élimination directe.
Troisième quart de finale prend pour modèle le spectacle du stade et l’incapacité d’y arrêter son regard : entre l’activité sonore et visuelle des supporters, le déroulé du jeu collectif et les expressions d’individualité des joueurs, les interludes musicaux ou ludiques, l’aléa météorologique, les vapeurs et clins d’oeil à l’histoire, il n’est pas possible de trancher.
Cette installation-happening est un terrain d’interventions transdisciplinaires, pour une expérience de la confusion, du déclassement hiérarchique. La part belle faite à l’effervescence du jeu plus qu’au sport : l’affiche du jour n’étant dévoilé qu’au dernier moment.
La chaleur de notre coeur (2024)
Installation-chantée. Performances (Margot Bernard, Abel Saint-Bris, Jérome Grivel, Anne-James Chaton)
« La chaleur de notre cœur » est une proposition expérimentale, une installation-chantée, produite spécialement pour la Coupole de Poush, et soumet à interprétation des poèmes inspirés de chants de stade. L’installation, activée par la lecture par l’intervenant (musicien ou chanteur.euse, soliste ou en choral, lyrique ou actuel, improvisé ou préparé, instrumental ou en orchestre, a cappella ou amplifié, etc. ) ou du spectateur “attiré” de ces poèmes-partitions, joue de l’entêtement mélodique et la corde d’une culture commune. L’espace, quartier délimité par le pupitre et des agrandissements sur textile d’aquarelles de supporter chantant, rappelle le quart de virage du parcage visiteur des stades. Une scène sur laquelle il s’agit de faire entendre sa voix, sa joie, sa ferveur ou sa douleur.
“Oh ville lumière,
Sent la chaleur,
De notre coeur,
Sens-tu notre ferveur,
Quand nous marchons près de toi,
Dans cette quête,
Chasser l’ennemi,
Enfin que nos couleurs
Brillent encore…”
“Palmarès” (2024)
Exposition collective à la galerie Julie Caredda,
Commissariat Joséphine Dupuy-Chavanat
Ma première médaille par Louis Verret
À l’occasion du 5ème anniversaire d’une camarade de classe, mon fils de 4 ans reçoit une pochette-surprise. À l’intérieur, entre sucette, décalcomanie et autocollants se trouve une médaille en plastique doré, présentant sur une face une étoile, sur l’autre “WINNER”, le cordon bleu-blanc-rouge du drapeau français. De tous ces petits cadeaux, il est ravi. “J’ai gagné” dit-il. Quoi ? Comment ? Contre qui ? Il n’a pas besoin de contexte : il a gagné, voilà tout. Pareil, ses camarades ont gagné eux-aussi leur médaille. C’est l’explosion des valeurs symboliques de cet objet. Ma pièce consiste en la compilation en un seul bloc d’une série de peintures à l’aquarelle des dix médailles offertes aux dix enfants présents cet après-midi de janvier 2024, au troisième étage d’un immeuble de la rue de Turbigo. Seule la médaille reçue par mon fils est visible entièrement. Les autres attendant patiemment la distribution.
Aussi : (2020-2022)
Couplant peinture à l’aquarelle et écriture, «Aussi :» porte un regard poétique sur l’objet livre et les situations qui peuvent l’accompagner. Le livre n’est plus contenant mais générateur de littérature.
Le livre dépeint, choisi pour la charge nostalgique de sa présence dans un paysage, est accoté du texte qui décrit l’événement.
Ce projet a fait l’objet d’une publication du même nom.
Adriana – introduction générale
- La naissance de A. / solo show à la galerie Louis Gendre, Chamalière, 2016
- AVN / Women’s march / édition, 2017
- Adriana / Installation, Feÿ-rencontres d’arts, Villecien, 2018
- Lana, 2023 / Insomnia, Aubervilliers
- Adriana from Feÿ to Yerevan (2018-2024) / Installation à NPAK, Yerevan, Arménie, 2024
- Adriana et Ophélia à l’hôtel la Louisiane, 2025 / Installation et performance, 2025
Adriana est un dialogue sur l’incompatibilité. La lecture et la critique d’événements publics et personnels, d’ouvrages littéraire ou cinématographique sont mis en relation suivant la logique de “paranoïa inversée” de l’Inferno de Strindberg : l’univers parle et révèle une vérité alchimique.
Adriana Chechik fut actrice pornographique, célébrée dans l’industrie entre 2014 et 2020. Elle est aujourd’hui retirée de ce monde et développe une activité de streameuse. Son activité pornographique d’alors fut décryptée en temps réel, révélant un potentiel féministe encore jamais atteint et révélé par une mise en parallèle avec Ophélia du Hamlet de Shakespeare.
Cette œuvre entre fiction et (auto)biographie, expérimentale et absolument contextuelle – l’écriture même des pièces serait aujourd’hui impensable – est malgré-elle le témoin de rapides et radicaux changements des paradigmes sociétaux qui caractérise la décennie 2016-2026. Depuis le début de l’écriture, l’ascension de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, le triomphe aux AVN avec “Adriana Chechik : the ultimate slut”, le mouvement #metoo et woke, le covid, et la fracture de sa colonne vertébrale, la naissance de mes enfants.
Adriana est un projet clôturé à répétition, qui se rouvre, comme par surprise, par actualité, par nécessité.
L’enfance de A. (2016)
Le motif floral qui apparaît dans les marbrures d’une table de bibliothèque fait se propager la possibilité de récurrence d’un motif. Le fantasme de cette récurrence est finalement contesté : la présence est réelle. Ainsi la réincarnation d’Ophélia dans le personnage d’A. (ou du personnage d’Ophélia dans A.) est un programme, non un hasard. La fillette dont la chambre est ici présentée, dont il est dit qu’elle deviendra actrice pornographique, le sera par volonté de révolution, par construction militante.
De la même façon que A. collectionne dans leur emballage les livres qu’on lui offre, Adriana collectionnera les larmes de ses amants.
AVN / Women’s March (2017)
La “marches des femmes” qui suit la première élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis donne à voir en temps réel la dissolution d’un discours politique en faveur d’un discours publicitaire ou commercial. Les manifestants relayent dans un premier temps leur colère sur les réseaux sociaux, avant que ces messages ne soient détournés sur ces mêmes réseaux (mêmes), pour que la citation du soutien à la manifestation n’apparaisse ensuite que comme doxa, comme nécessité de bien-pensance, publicitaire. Dans le même temps Adriana Chechik met à exécution son programme révolutionnaire et obtient l’AVN “best oral” (pour meilleure oratrice ?) et “female performer of the year”. Le livre d’artiste compilent des images témoignant de ces deux événements et un texte critique et critiqué.
Adriana (2018)
La filmographie d’Adriana Chechik est décryptée à mesure des sorties de ses films. Le programme révolutionnaire, programmé (ou fantasmé) est réalisé. Elle est la plus opérationnelle des féministes et déconstruit, méthodiquement, les attributs masculins du monde le plus radicalement masculin : le cinéma pornographique américain.
À mesure que le programme est révélé, l’artiste se rapproche et se met en danger : à trop vouloir dire, il risque de se faire à son tour désintégrer. Le projet est clôturé le jour du vernissage de l’exposition.
Lana (2022)
Deux portraits à l’aquarelle de l’actrice américaine et ex-pornographe Lana Rhoades sont exposés dans les toilettes de l’exposition collective Insomnia imaginé par Yvannoé Kruger, ayant pour objet le chaos et le vertige de la nuit blanche. L’usage des toilettes n’est pas limité à celui d’espace d’exposition car il demeure également un sanitaire soulève un choix réflexif, le jugement ou l’invitation.
Adriana from Feÿ to Yerevan 2016-2024 (2024)
Zabel Essayan est une auteur arménienne dont la prose contraste radicalement avec la parole politique. Elle fut éxécutée en 1943 par le gouvernement communiste. Son histoire et son écriture sont mises en parallèle de l’actualité d’Adriana Chechik qui a quitté la pornographie après s’être fracturée le dos en sautant dans une piscine à balle. Au coté d’un portrait à l’aquarelle d’Adriana, souriante, extrait d’un de ses films cultes “Adriana is the squirt queen”, un QR code renvoie vers un site web à consulter sur son téléphone portable.
Le texte, au présent, ne dévoile ni son époque ni son auteur (écrit entre 1890 et 2024, parmi Zabel Essayan, Adriana Chechik ou Louis Verret, des extraits de correspondances, ou poèmes empruntés). À travers l’évocation de conflits, de doutes, d’incapacités et de négociations, il s’attarde sur la difficulté de conciliation entre époques séparées par le renversement d’un paradigme (la bascule communiste post 1917, #metoo, la paternité, etc.).